Voilà pourquoi l’enfant se tait majoritairement. La famille est normalement signe de sécurité et lorsqu’elle devient l’agresseur, comment l’enfant pourrait-il se construire avec des bases saines et solides, avec des repères et des limites?
Dans l’inceste, les rôles sont inversés. Et pourtant, être victime d’une agression sexuelle dans l’enfance a des conséquences graves durant la vie entière. Il est grand temps que notre société ouvre les yeux sur ces souffrances : l’anorexie, la boulimie, l’alcoolisme, la toxicomanie, la prostitution, l’automutilation, les tentatives de suicide, le suicide, les troubles d’ordre sexuel, la dépression, la revictimisation, les troubles anxieux, l’état de stress posttraumatique, la maladie de Crohn, les difficultés professionnelles, les problèmes de couple, les difficultés à devenir parent, etc.
Les victimes sont trop souvent stigmatisées : on le voit à travers différents mythes entourant l’inceste, on cherche des excuses aux agresseurs. L’enfant n’aurait-il pas été séducteur ? Les victimes reproduiraient ensuite l’inceste…
Bref, on repousse ce qui dérange et tout cela sans aucun chiffre, sans aucune recherche scientifique…
En voici quelques exemples :
- Les agresseurs ont des pulsions irrésistibles : cette idée reçue a été infirmée par de nombreuses études. Les pères incestueux auraient des pulsions sexuelles normales. Il n’y a pas de pathologie propre à l’inceste.
- L’alcoolisme : l’alcool n’est pas la cause de l’inceste, il peut servir de prétexte pour excuser l’agression. De nombreux agresseurs ne sont pas alcooliques.
- L’éloignement dans le couple : plusieurs études précisent que la plupart des pères incestueux poursuivraient leur vie sexuelle avec leur conjointe et qu’aucun père n’aurait commis l’inceste parce qu’il n’avait plus de relation sexuelle avec sa conjointe.
- L’enfant menteur : les recherches rapportent plutôt la grande peur qu’ont les enfants à dévoiler qu’ils sont victimes. Dévoiler l’inceste et sortir du silence demande énormément de courage lorsque l’on sait que neuf fois sur dix, la famille tourne le dos à la victime.
Je pense régulièrement à cette phrase d’Hervé Bazin : « C’est la parole qui est d’or, le silence est souvent de plomb ».
Voilà pourquoi je suis admirative chaque fois que je croise le chemin d’une survivante de l’inceste.
Les victimes sont aujourd’hui des milliers (des millions?) à vouloir lever le voile de cette horreur qu’est l’inceste et que trop de gens encore refusent de regarder en face.
Voilà pourquoi nous pouvons tous remercier, victimes ou non victimes, chaque parole, chaque témoignage offert par les survivants de l’inceste, comme Melody.
Parce que c’est finalement grâce à eux que ce tabou pourra enfin un jour être levé. »
Sandrine APERS, auteure du livre Etre parent après l'inceste